À trois reprises, Joël Fabrice a tenté de rejoindre l’Europe à travers les routes périlleuses du Sahel et de l’Afrique du Nord. Sur le chemin du vieux continent, ce jeune camerounais raconte le périple d’un immigrant clandestin.
C’est pour des raisons financières que cet ancien étudiant de l’université de Douala, dit avoir décidé de quitter son pays.
Après ses études, il va tenter d’obtenir un emploi à Douala, la capitale économique du Cameroun en vain.
« Pour payer le loyer ou pour se nourrir ici à Douala ce n’est pas évident. C’est ça qui m’a poussé à partir coûte que coûte » nous a-t-il confié, le regard inquiet. Son cousin, qui a pris ce chemin 6 mois avant lui, va lui donner l’itinéraire.
Ce dernier va embarquer pour la Méditerranée au moment où Joël Fabrice décide de se lancer dans l’aventure.
Parti de Douala, il va se rendre à kumba, une ville de la région anglophone en proie à une guerre farouche depuis 6 ans, puis Mamfe jusqu’à Ekok dans la région du sud-ouest.
Ce village situé dans le département de la Manyu est frontalier au Nigéria. Lors de sa première tentative, c’est au Nigéria voisin que ses problèmes vont commencer.
Des agents de la police d’immigration vont le dépouiller dans la localité d’Igbosa. Il avait déjà pris le soin de changer la monnaie Camerounaise en Naira à Ikom, ville nigériane frontalière au Cameroun.
En manque d’argent dans une localité où le travail ne court pas les rues, Joël Fabrice va se résoudre à écourter son aventure.
À la deuxième tentative, il va réussir à sortir du Nigéria pour le Niger. « J’ai payé 40.000 Fcfa ( 61 € ) pour traverser le Niger. On nous a entassé dans dans un minibus comme des animaux. Le chauffeur a pris les bagages et les marchandises pour boucher tous les conduits d’aération. Je ne savais même pas de quel côté on allait. Il fallait juste qu’il nous dissimule entre les marchandises pour échapper aux contrôles. Après près d’une heure de route, ou peut-être plus, on a été stoppé par un camion plus grand avec des immigrants clandestins. On nous a demandé de monter et le camion a fait demi-tour ». Nous relate-t-il.
Lors de sa troisième expédition, c’est à Tamanrasset en Algérie qu’il sera stoppé net par des passeurs qui exigeaient une taxe. Le plus surprenant, dit-il, c’est que certains « immigrants clandestins sont devenus des agresseurs ». Si à une certaine époque on parlait de la traite des noirs par les arabes en Lybie, c’est désormais certains africains du sud du Sahara qui exploitent leurs propres frères et les torturent quand ils en ont l’occasion.
Fabrice Joël caresse toujours le désir de se rendre en occident. Mais il a décidé de ne plus jamais reprendre le chemin de l’aventure. « Je ne conseillerai à personne de prendre cette route. Quand quelqu’un m’en parle, trop de mauvais souvenirs remontent. » va-t’il lancer, la mine pitoyable.
En 2021, l’agence des nations unies pour les réfugiés a dénombré 123300 traversées de la Méditerranée sur des bateaux d’infortune. Des chiffres auxquels s’ajoutent les tentatives d’entrer sur le territoire européen par la route.
Kevin FOTSO, Douala, Cameroun